Responsabilité personnelle du gérant en cas d'absence d'assurance décennale obligatoire : Civ. 3e, 10 mars 2016, n° 14-15.326

Assurance décennale obligatoire

En droit de la construction, l'assurance décennale est obligatoire pour tous professionnels de la construction. C'est précisément ce que vient rappeler la Cour de cassation dans un arrêt de la 3e chambre civile rendu le 10 mars 2016.

Ainsi, aux termes de l'article L. 241-1 du Code des assurances : "Toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du Code civil, doit être couverte par une assurance.

A l'ouverture de tout chantier, elle doit justifier qu'elle a souscrit un contrat d'assurance la couvrant pour cette responsabilité. Tout candidat à l'obtention d'un marché public doit être en mesure de justifier qu'il a souscrit un contrat d'assurance le couvrant pour cette responsabilité.

Tout contrat d'assurance souscrit en vertu du présent article est, nonobstant toute stipulation contraire, réputé comporter une clause assurant le maintien de la garantie pour la durée de la responsabilité décennale pesant sur la personne assujettie à l'obligation d'assurance".

L'obligation ne s'applique pas à la personne physique construisant un logement pour l'occuper elle-même ou le faire occuper par son conjoint, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint (art. L 243-3 Code des assurances).

Cas d'absence d'assurance : Responsabilité personnelle du gérant

Dans la présente espèce, en qualité de Maître de l'ouvrage une SCI avait confié à une SARL, la construction de 5 chalets, un grand chalet devant servir d'habitation principale, et quatre petits chalets étant destinés à la location. Des désordres apparurent alors dans le grand chalets et le Maître de l'ouvrage assignait la société de construction en vue d'obtenir la désignation d'un expert et à réaliser des travaux de confortement. Le juge des référés désignait un expert et condamnait la société locateur d'ouvrage à payer au maître d'ouvrage la somme de 100.000 € à titre de provision.

L'expert concluait essentiellement à un défaut de structure affectant le chalet qui menacé de s'effondrer.

La SARL était alors placée en liquidation judiciaire.

Le TGI de Dignes les Bains faisait droit aux demandes du Maître d'ouvrage à l'exception des demandes de condamnation formulées contre le gérant du fait du défaut d'assurance obligatoire. La SCI interjetait appel limité à l'encontre du gérant qui, selon l'appelant, aurait commis une faute incompatible avec l'exercice normal des fonctions de gérant, justifiant sa condamnation à les indemniser.
Ils invoquent à bon droit les dispositions de l'article L.223. 22 du code de commerce, aux termes desquelles dans une SARL, les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.

Par un arrêt du 4 juillet 2013, la Cour d'appel d'Aix en Provence condamnait le gérant de la SARL au paiement des travaux de remise en état.

Le 10 mars 2016, la Cour de cassation rejette le pourvoi du gérant au motif  que le « gérant de la société [de construction], qui n’avait pas souscrit d’assurance décennale, avait commis une faute intentionnelle, constitutive d’une infraction pénale, la cour d’appel en a exactement déduit qu’il avait commis une faute séparable de ses fonctions sociales et engagé sa responsabilité personnelle ».

Par cet arrêt la 3e Chambre civile de la Cour de cassation uniformise sa jurisprudence avec la Chambre commerciale qui rendait un arrêt similaire le 28 septembre 2010 (Com. 28 sept. 2010, n° 09-36.255, Bull. civ. IV, n° 146 ; Dalloz actualité, 1er oct. 2010, obs. A. Lienhard)